Chad, April 2025 (French version)
Plongée au cœur de la riziculture du Tchad
Entretien avec Dr. Allarangaye, Point Focal Task Force SNDR, passionné de la première heure
Dans l’immense territoire du Tchad, entre savanes dorées et terres fertiles inondées par les pluies saisonnières, un trésor discret façonne l’alimentation et la vie des communautés : le riz.
À l’occasion de ce numéro, nous avons traversé champs et villages pour aller à la rencontre de Dr. Allarangaye, figure incontournable de la recherche rizicole et fervent défenseur de cette culture essentielle.
Riziculture au Tchad : une tradition ancienne, un avenir prometteur
Le riz au Tchad est une histoire ancienne. Bien avant l’arrivée des colons, les populations cultivaient déjà Oryza glaberrima, riz africain adapté aux rudes conditions locales. Puis, au gré des échanges avec le Nigeria voisin et sous l’impulsion des missionnaires, le riz asiatique Oryza sativa fait son apparition, marquant le début d’une culture plus organisée sous la colonisation française pour nourrir les troupes durant la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, grâce à l’Institut Tchadien de Recherche Agronomique pour le Développement (ITRAD), des milliers de variétés adaptées ont été introduites, dans les différentes écologies rizicoles alliant dans le sens de : augmentation de rendement et résistance aux insectes et maladies.
La consommation de riz, quant à elle, explose. Dans certaines régions comme la Tandjilé, le riz est l’aliment quotidien, tandis qu’ailleurs, il gagne du terrain, apprécié pour sa facilité de préparation et son attrait auprès des jeunes.
Quand le riz rythme la fête et les traditions
Au Tchad, le riz est un invité d’honneur lors des grandes fêtes. Lors des mariages, baptêmes ou célébrations religieuses, il est souvent préféré au mil ou au sorgho.
Préparé sous mille et une formes – pâte moelleuse au gombo, couscous de riz à la viande, bouillie sucrée, ou encore galettes et beignets parfumés – le riz révèle toute la créativité culinaire des Tchadiens.
On le retrouve même dans la confection de boissons traditionnelles comme la célèbre “cochette” ou dans les bières artisanales locales.
Néanmoins, s’il est apprécié pour sa légèreté, le riz est souvent consommé avec d’autres aliments plus consistants pour garantir un repas complet et nutritif.
Un parcours nourri de passion et de persévérance
Dès le début de sa carrière, Dr. Allarangaye a plongé dans l’univers du riz, guidé par une formation en Égypte financée par la JICA. À son retour, armé de savoir-faire et d’ambition, il prend la tête d’une ferme de production semencière dans la Tandjilé, avant de devenir le Point Focal d’AfricaRice pour le Tchad. Pendant des années, il parcourt les bas-fonds, introduit de nouvelles variétés et forme des générations d’agriculteurs.
Pourtant, son parcours est semé d’embûches : infrastructures vétustes, insuffisance de financement public, et statut précaire des chercheurs. “Aujourd’hui,” confie-t-il, “la recherche nationale survit uniquement grâce à quelques projets et à la production de semences.”
Un engagement régional à travers la Coalition pour le développement du riz en Afrique (CARD)
La stratégie nationale de développement du riz (SNDR) au Tchad ne se pense pas en vase clos. Elle s’inscrit dans une dynamique régionale, portée par la Coalition pour le développement du riz en Afrique (CARD), une initiative panafricaine ambitieuse visant à doubler la production rizicole sur le continent.
Dans ce cadre, Dr. Allarangaye joue un rôle clé : il est le principal interlocuteur de la CARD au Tchad, assurant ainsi la liaison entre les autorités nationales et les partenaires régionaux.
“Notre collaboration avec la CARD nous permet d’accéder à des ressources techniques, des formations, et un partage d’expériences entre pays membres, ce qui est essentiel pour accélérer notre progression”, souligne-t-il.
Défis à surmonter et espoirs pour demain
Malgré les avancées, la riziculture au Tchad reste fragile. Le manque de mécanisation contraint encore nombre de producteurs à semer à la volée, sarcler à la main, et récolter à la faucille.
Les caprices du climat – inondations brutales ou sécheresses prolongées – viennent compliquer encore la tâche, et le déficit d’équipements de décorticage freine l’accès au marché.
Mais les dynamiques changent : nouvelles variétés NERICA, fertilisants adaptés, usines modernes de transformation… Une petite révolution est en marche, portée par des projets innovants et par la volonté affirmée du gouvernement de faire du riz une culture stratégique, à la fois pour l’autosuffisance alimentaire et pour l’économie locale.
L’avenir s’écrit dans les champs
Le Tchad a tout pour devenir un géant de la riziculture africaine : terres fertiles à perte de vue, soleil généreux, et nappes phréatiques abondantes.
Pour Dr. Allarangaye, l’objectif est clair :
“Produire suffisamment pour nourrir tous les Tchadiens et réduire la dépendance aux importations.”
La route est encore longue, mais l’espoir est là, vibrant, porté par les producteurs et les chercheurs passionnés comme lui.